b) Les répertoires liturgiques -

          (i)  Voici  une reproduction d'un des  manuscrits  les plus anciens que nous ayons,  le

              cantatorium  de  St-Call,   (St-Call,  bibliothèque  magnifique,  beaucoup  de

              manuscrits, de très beaux manuscrits). Cantatorium, chant de soliste. Tout d'abord

              nous commençons à nous apercevoir grâce à ce répertoire utilisé par les solistes

              qu'il y a dans une assemblée chrétienne,  le célébrant et l'assemblée.

                         Le célébrant se paie des adjoints techniques,  il n'est peut-être pas

              musicien. Ensuite, il n'est peut-être pas prédicateur. De quel droit exigez-vous

              d'un  prêtre...,  que  le  prêtre  soit  profondément  pieux,  plus  que  cela,  saint,

              secondement  théologien,  troisièmement  poète,  quatrièmement  prédicateur  et

              cinquièmement administrateur ? Il y en a qui sont administrateurs, ils sauront

              faire la quête et faire vivre leurs oeuvres ; d'autres seront poètes,   et ce sera

   bien, ils inventeront des cantiques et des chants ; d'autres seront musiciens, d'autres qui seront

   saints, etc... on ne peut pas exiger tout de chacun.

              Alors, il y a un adjoint technique, c'était l'ordre du lecteur, le lectorat, en église,

   ça a toujours  existé, le lecteur... le chant est dans l'ordre du lecteur, il était psalmiste , il

   faisait  chanter  tel  psaume,  puis  il  alternait  avec  la  foule.  Et maintenant que  cette église

   devient plus puissante et s'organise, disons Milan ou Rome, Rome qui fut en retard pendant un

   moment parce qu'elle resta à sa tradition primitive. Mais les Aquitains faisaient les 400

   coups- ils ont inventé les paraliturgiques cent ans avant les autres. On a les manuscrits, ils ne

   sont  pas assez déchiffrés, il ne sont pas assez étudiés ; il y a un tas de travaux à faire pour

    les musicologues ; c'est effrayant ce qu'il y a à faire, ce qu'il y a à la Bibliothèque Nationale

    de  Paris ' A côté de ce psalmiste lecteur, qui chante, naît quelqu'un qui est un psalmiste et

    qui chante mieux que les autres et qui devient le soliste, et qui est sur les degrés, d'où le nom

    de  psaume "graduel", le graduel c'est le psaume que l'on chante sur des degrés, sur les

    ambons que l'on a encore à Rome à la basilique St-Clément, et il fait valoir sa marchandise

    lui  aussi    il  chante  la  louange  de  Dieu,  mais  en  pensant  à  la  sienne.  Il  devient  le  soliste

    virtuose  il improvise, puis il sténotype dans sa mémoire les formules secrètes et il en invente

    auxquelles le peuple répond, et nous voilà en présence de quatre espèces de personnes : le

    célébrant  l'assemblée, le lecteur psalmiste et le soliste. Et maintenant entre le soliste trop

   savant et l'assemblée qui ne l'est pas assez, ou qui ne le sera jamais assez, réfléchissons

   bien, de quel droit exiger de celui qui tient le petit commerce du coin et qui est peut-être

   chrétien ou moyennement chrétien, qu'il vienne connaître, contempler la psalmodie et chanter

   comme il faut la louange du Seigneur. Il va chanter à sa manière, dans le chant de

   l'assemblée qui n'est pas le chant du soliste. Ainsi naîtra entre le soliste et l'assemblée, la

   schola, née bien avant St-Crégoire . On dit qu'il a inventé la schola, ce n'est pas vrai,

   seulement cela fait de l'effet dans l'histoire parce qu'il a donné de l'argent et un local, on

   sait d'ailleurs où. A ce moment-là, nous avons comme forme du chant de célébrant, du chant

   de psalmiste, dans les monastères tout le monde était psalmiste, le chant de l'assemblée, que

   l'on appelle le kyriale, des choses simples,  Kyrie,  Sanctus, Agnus,  la litanie. Le Credo,  "je

   récite  mon  catéchisme",  ce  que  les  Romains  ne  récitaient  pas  ;  ils  ne savaient  pas  le

   catéchisme. On n'a pas assez prêché  cela. Des gens qui enseignaient le grégorien comme

   moi n'ont pas assez prêché ces choses-là; on ne savait pas les éthiques pieuses des formes.

              Puis ces catégories vont s'étoffer ; il va se créer un répertoire de célébrant, un

   répertoire de psalmiste, un répertoire de soliste, un répertoire d'assemblée et un répertoire de

   schola. Le cantatorium est un recueil pour soliste, uniquement de soliste. Ce manuscrit est de

   fin IXe , début Xe siècle. Vous y apercevez des signes cabalistiques (1) qui représentent la

   façon de chanter. L'homme savait par tradition orale tous ces chants et il écrivait l'expression,

   les détails de l'expression, du bel canto. Dans le bas du manuscrit vous avez les alléluia pour

   tout le courant de l'année.  Il  faisait son choix,  il tapait dans le tas. Le soliste était libre

   (liberté  du  musicien  dans  l'Eglise),  liberté  renouvelée par  le concile,  telle chorale peut

   chanter telle chose à la place de telle autre, à condition de ne pas mettre un alléluia à la

   place d'un psaume ; il faut choisir le moment de la cérémonie. A condition de ne pas chanter,

   comme on le fait trop souvent maintenant, tel cantique aussi bien pour Noël que pour le

   Carême ; ça ne va pas cela. C'est bien la même religion mais ce n'est pas le même moment

   de la religion. On oublie qu'il y a sept étapes dans l'année où l'on recommence à marcher, à

   mettre ses pas dans les pas du Christ. On change alors de mentalité comme on change de

   personnalité au cours de ses âges et on  recommence tous  les ans  : ce sont  les Temps

   Liturgiques.

   (1 )   - Ce sont les signes neumatiques.